L'abandon de poste? Risqué!
Pour obtenir les indemnités chômage, ne plus venir travailler en espérant être licencié est une stratégie périlleuse.
Votre job vous sort par les yeux, mais votre employeur refuse de signer une rupture conventionnelle ? Vous ne voulez pas non plus démissionner car vous diriez alors adieu aux indemnités chômage ? Seuls quinze cas "légitimes" de démission donnent effectivement droit à une allocation de retour à l'emploi (ARE) versée par Pôle emploi. Bientôt seize, si le fait d'avoir un projet de reconversion sérieux devient un nouveau motif valable, une fois le projet de loi avenir professionnel adopté.
Que faire, alors ? On trouve ici et là sur internet quelques témoignages de personnes ayant réussi à se faire licencier (et donc à toucher les allocations de retour à l'emploi) en arrêtant de venir au travail, du jour au lendemain. Ils n'ont pas répondu aux coups de fils, aux mises en demeure de fournir un justificatif pour leur absence...
Attention, vous trouverez toujours quelqu'un pour qui la tactique de l'abandon de poste a fonctionné. Mais la manœuvre de l'abandon de poste, radicale, peut aussi mal tourner.
"L'employeur peut laisser pourrir la situation"
Ainsi, l'employeur, pour vous rendre chèvre, peut simplement arrêter de vous rémunérer, sans pour autant vous licencier. "Contrairement à une démission exprimée franchement, qui nécessite un courrier clair et non équivoque, l'abandon de poste n'est pas de nature à rompre le contrat de travail, signale Jérémie Aharfi, avocat en droit social. Et il ne le suspend pas non plus. L'employeur peut donc laisser pourrir la situation."
Sans attestation de fin de contrat, vous ne pourrez pas faire valoir vos droits au chômage. Vous ne pourrez pas non plus, théoriquement, reprendre un autre emploi. Vous pourriez donc, avec votre stratégie de la chaise vide, vous voir sans ressource pendant un temps indéterminé.
L'employeur n'est pas dans l'obligation de vous licencier. D'ailleurs, s'il le faisait au bout de plusieurs mois de bras de fer, il serait même susceptible de se faire taper sur les doigts aux prud'hommes pour une sanction (le licenciement) trop tardive par rapport aux faits reprochés (l'abandon de poste).
La faute grave, épée de Damoclès
Autre risque encouru : l'employeur peut (dans un délai très rapide uniquement), vous licencier pour faute grave, si vous teniez un poste clé dans l'entreprise et que votre absence a fortement désorganisé cette dernière.
Adieu alors, les indemnités légales de licenciement, légèrement revalorisées par les ordonnances Macron. Elles correspondent désormais à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté (jusqu'à dix ans d'ancienneté) et un tiers de mois de salaire par année au-delà. Bye bye aussi les éventuelles indemnités "supra-légales", accordées en vertu d'une convention collective généreuse. Un manque à gagner conséquent si vous faisiez partie de l'entreprise depuis un certain temps...
Licencié pour faute grave, vous perdrez aussi l'indemnité compensatrice de préavis. En revanche, vous toucherez l'indemnité compensatrice de congés payés. Et vous ne serez pas privé de vos indemnités chômage.
Si vous travaillez dans un "petit milieu", réfléchissez aussi aux effets sur votre réputation, que pourrait engendrer votre comportement cavalier...
Enfin, si votre volonté de quitter votre entreprise découle de faits graves comme du harcèlement ou de la discrimination, consultez un avocat : il pourra vous indiquer si, au vu de la situation et des preuves que vous avez sous le coude, vous êtes légitimes à une "prise d'acte". Il s'agit, comme son nom l'indique, de prendre acte formellement de la rupture de votre contrat de travail, avant d'attaquer votre employeur aux prud'hommes pour faire reconnaître un licenciement.
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