Assurance-chômage : les enjeux d’une réforme en trois actes
Les partenaires sociaux se retrouveront dès septembre pour une phase de diagnostic sur l’assurance-chômage, sujet remis sur la table des négociations par l’exécutif.
Retour à la case départ. Négociée pendant deux mois par les partenaires sociaux pour déboucher mi-février sur un accord national interprofessionnel (paraphé par l’ensemble des organisations, à l’exception de la CGT), la réforme de l’assurance-chômage est actuellement au cœur du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui devrait être adopté définitivement aux alentours du 1er août. Mais, surprise : le 9 juillet, devant les parlementaires réunis en Congrès, Emmanuel Macron a demandé « une révision des règles de l’assurance-chômage, qui ont pu involontairement encourager le développement de ce qu’on appelle la permittence et de la précarité ». Le projet de loi intègre pourtant plusieurs mesures en ce sens : instauration d’un bonus-malus pour les entreprises qui abusent des contrats courts si les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d’accord d’ici au 1er janvier, possibilité de toucher par décret au dispositif de cumul allocation-salaire, etc. Alors, pourquoi une telle demande ? Et, surtout, pourquoi maintenant ?
Un diagnostic préalable
Devant le Sénat, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a justifié la réouverture de ce chantier en estimant qu’il était « nécessaire d’aller plus loin [car le texte] ne prévoit pas de réforme systémique de l’assurance-chômage ». Dès septembre, les partenaires sociaux seront donc reçus (en bilatérales puis lors d’une multilatérale) afin de définir le contenu de la lettre de cadrage des prochaines négociations. « Remettre à plat les enjeux de l’évolution du système avant de s’engager dans la négociation est indispensable. Nous avons besoin d’un diagnostic des forces et faiblesses du système actuel, explique Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. Ne serait-ce que pour réactualiser le diagnostic établi en amont de la dernière convention d’assurance-chômage. Mais aussi pour mieux construire les scénarios d’évolution tout en anticipant leurs conséquences. »
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Le gouvernement envisage également de redimensionner Pôle emploi pour indexer les baisses d’effectifs de l’opérateur en fonction du cycle économique. En clair : réduire les effectifs quand le chômage recule. La ministre du Travail se défend de vouloir recourir aux CDD pour y parvenir, mais reste silencieuse sur le chiffre de 4 000 suppressions de postes qui circule depuis plusieurs mois (lire SH no 3641). Le 20 juillet, en comité central d’entreprise (CCE) de Pôle emploi, l’élu CFDT David Vallaperta a rappelé que la priorité était de « renforcer les capacités d’accompagnement, pas de les diminuer ou de les fragiliser. Des annonces comme celles visant à réduire les effectifs ou à expérimenter des hypothèses hasardeuses et dangereuses de fusion ne font que déstabiliser le service public de l’emploi, et ce, alors que ces sujets ne font l’objet d’aucune concertation sociale ». |
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Quels seront les sujets au centre des discussions paritaires : la permittence d’abord, pour laquelle le gouvernement a choisi de maintenir l’amendement laissant toute latitude à l’exécutif de toucher par décret aux règles de cumul allocation-emploi. « Les partenaires sociaux auront quatre mois pour négocier (soit jusqu’au début 2019) mais, dans le même temps, l’exécutif aura les mains libres pour faire ce qu’il souhaite à compter de la promulgation de la loi. C’est une manière de les mettre sous pression », pointe le service juridique confédéral. Mais aussi la précarité, point dur des discussions d’assurance-chômage depuis des années. « Le rythme des négociations de branche ne répond visiblement pas à l’impatience du gouvernement, qui veut aller vite sur la question des contrats courts », analyse Marylise Léon. Dernier point : l’articulation entre assurance et solidarité. L’amendement déposé au Sénat le 10 juillet propose aux partenaires sociaux de négocier « la création d’une allocation chômage de longue durée » pour les demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits. Aujourd’hui, un chômeur est indemnisé pendant deux ans avant de basculer dans l’allocation de solidarité spécifique (ASS), relevant de l’État. « La question de l’articulation entre système assurantiel, solidarité nationale et minima sociaux est essentielle pour assurer la continuité des droits des demandeurs d’emploi. Mais il ne doit pas s’agir de repasser à l’Unédic les dépenses de l’État. On peut faire mieux, mais si on nous demande de faire plus, il faudra des ressources supplémentaires », met en garde Marylise Léon.
Un modèle social pour en finir avec le chômage de masse
Or l’exécutif ne s’en cache pas : l’heure est aux économies. Le transfert de l’ASS vers l’Unédic nuirait aux comptes du régime et risquerait de se répercuter sur les droits de tous les demandeurs d’emploi. « Si le jeu est d’amoindrir la prise en compte des personnes qui sont en situation difficile, soit d’exclusion, soit de chômage, pour faire croire que c’est comme ça qu’on les aidera à repartir vers l’emploi, là, il y aura une profonde résistance de notre part, prévient la CFDT. Sur l’assurance-chômage, nous sommes à un tournant : quel modèle social souhaitons-nous pour en finir avec le chômage de masse ? » Rendez-vous en septembre.
aballe@cfdt.fr