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CFDT Crédit Agricole Languedoc

[Entretien] “Malgré l’adversité, la CFDT continuera de pousser ses propositions”

19 Septembre 2018, 23:23pm

Publié par CFDT CA Languedoc

La loi Avenir professionnel vient d’être promulguée, et déjà se profilent de nouvelles réformes. En cette rentrée sociale chargée, le secrétaire général de la CFDT réaffirme le rôle central des partenaires sociaux et les positions de la CFDT.

[Entretien] “Malgré l’adversité, la CFDT continuera de pousser ses propositions”

Quel bilan tires-tu du congrès de Rennes trois mois après ?

C’est avant tout un congrès réussi. Nous avons débattu et validé notre activité des quatre dernières années. Mais, plus important encore, la CFDT s’est positionnée sur les enjeux de demain. L’été a d’ailleurs démontré que nous avons eu raison de prendre des positions fortes sur des sujets comme la transition écologique ou les nouveaux modes de développement. Le contexte économique et le contexte social tendu qui rendent la situation de bien des travailleurs difficile confirment aussi la nécessité de continuer à travailler sur les solidarités.

Dans une telle situation, on peut se féliciter d’être une organisation cohérente dans la définition de nos objectifs revendicatifs comme de nos ambitions internes. Nous nous sommes d’ailleurs déjà mis au travail sur deux chantiers majeurs : renforcer l’accompagnement des militants – en premier lieu lors de la mise en place des CSE (comités sociaux et économiques) – et la syndicalisation pour augmenter notre nombre d’adhérents de 10 % sur la durée de la mandature.

 

La rentrée sociale se déroule dans un climat tendu avec, d’un côté, un gouvernement qui ne semble pas volontaire en matière de dialogue social et, de l’autre, des partenaires sociaux plus divisés que jamais…

Lorsque nous avons été reçus par le Premier ministre au début septembre, j’ai été extrêmement clair : si le gouvernement poursuit dans sa volonté de faire seul, avec comme seule grille de lecture l’équilibre budgétaire, il ira dans le mur. Le président de la République a dit en juillet qu’il voulait faire évoluer sa méthode et travailler plus avec les partenaires sociaux… Mais les rencontres de la fin de l’été nous confirment que, malheureusement, l’objectif budgétaire reste surdéterminant, ce qui pose un réel problème. Face à un tel interlocuteur, qui ne croit pas vraiment en l’utilité des partenaires sociaux, la CFDT se retrouve en permanence dans l’obligation de faire la preuve de la pertinence et de la qualité de ses propositions mais également de valoriser les avancées qu’elle obtient.

La tentation pourrait consister à tomber dans une opposition pure et simple, voire politique, comme le font certaines organisations syndicales, ce qui serait parfois plus facile, mais conduirait à une impasse pour les travailleurs. C’est pourquoi, quelle que soit l’adversité, la CFDT continuera de pousser ses propositions.

Du côté du patronat, j’entends bien les appels à la responsabilité des patrons sur un certain nombre de sujets de la part du nouveau président du Medef, mais la logique sous-jacente reste tout de même très libérale avec cette sempiternelle demande : toujours moins de contraintes pour les entreprises. L’exemple de l’apprentissage, sujet sur lequel le patronat a désormais toutes les manettes, démontre les carences de cette logique avec des résultats pour le moins faibles.

TROP D’ORGANISATIONS SEMBLENT INCAPABLES DE SORTIR D’UN JEU D’ACTEURS POUR RÉELLEMENT PARLER DU FOND DES SUJETS

Existe-t-il tout de même une voie de passage pour les partenaires sociaux ?

Il faut l’espérer pour les travailleurs ! Nous avons proposé aux autres organisations syndicales et au patronat de définir un agenda social autonome des partenaires sociaux. La CFDT leur a fait des propositions autour, par exemple, de la lutte contre les discriminations ou de la qualité de vie au travail. Les premières réponses sont assez timides. Trop d’organisations semblent incapables de sortir d’un jeu d’acteurs pour réellement parler du fond des sujets. C’est d’autant plus dommage et dommageable que la société est en train de vivre des mutations majeures.

 

Il y a quelques jours, la ministre du Travail s’est félicitée des premiers effets des ordonnances. Partages-tu son analyse ?

Il est évident qu’on ne fait pas le même bilan que Muriel Pénicaud, qui se contente de faire de la communication ! L’exemple de la baisse des recours aux prud’hommes dont se félicite le gouvernement montre bien qu’ils sont incapables de regarder les choses à hauteur d’homme. Il faut qu’ils sortent de leur approche macroéconomique en toutes circonstances. Si on s’intéresse aux salariés, cette baisse montre qu’ils sont probablement de plus en plus nombreux à renoncer à faire reconnaître leurs droits. Il est hors de question de s’en féliciter ! Sur la mise en place des CSE, cela n’a aucun sens de se gargariser du nombre d’accords signés. Il faut s’intéresser à leur contenu ! Et ce que les militants font remonter, c’est que, très souvent, les patrons se contentent de faire le service minimum, voire pire. Donc, de notre point de vue, le bilan n’est clairement pas positif, et l’accompagnement des équipes CFDT lors des négociations des CSE est l’un des grands objectifs de cette rentrée.

LA CFDT N’IRA PAS DANS UNE NÉGOCIATION DONT LA SEULE LOGIQUE SERAIT LA RÉDUCTION DE LA DETTE SUR FOND DE CULPABILISATION DES CHÔMEURS

L’exécutif souhaite que les partenaires sociaux rouvrent, une nouvelle fois, le dossier de l’assurance-chômage. Que peut-on attendre d’une éventuelle négociation ?

La situation est compliquée parce que le gouvernement est dans une logique purement budgétaire avec comme unique objectif de faire des économies, sans s’intéresser aux demandeurs d’emploi. La voie de passage est donc extrêmement étroite. La CFDT se mobilise autour de deux axes : garantir aux demandeurs d’emploi une indemnisation correcte et offrir un accompagnement renforcé vers le retour à l’emploi. La CFDT n’ira donc pas dans une négociation dont la seule logique serait la réduction de la dette sur fond de culpabilisation des chômeurs.

 

Que penser de la stratégie pauvreté présentée le 13 septembre par le président de la République ? Va-t-elle dans le bon sens ?

La CFDT s’est beaucoup investie avec les associations, comme ATD Quart Monde, la Fondation Abbé Pierre ou le Secours catholique pour peser sur cette stratégie avec une conviction : la lutte contre la pauvreté implique d’avoir une vision globale des parcours de vie. Il faut donc se féliciter des annonces, notamment en ce qui concerne la petite enfance, l’augmentation du nombre de garanties jeunes, l’obligation de formation jusqu’à 18 ans ou encore l’aide à la complémentaire santé. Derrière ces annonces positives, ce qui est capital, c’est que le système s’adapte pour prendre en compte les personnes en situation de pauvreté et de précarité et les aider à s’en sortir. Il faut désormais veiller à ce que les moyens nécessaires et promis soient bien mis en œuvre. La CFDT souhaite donc qu’il y ait un vrai suivi de ces mesures, en étroite collaboration avec les personnes en situation de pauvreté, les associations investies dans la lutte contre la pauvreté et tous les acteurs sociaux et économiques.

 

Tu dis depuis longtemps que l’hôpital public est sur le point de craquer. Le plan santé était présenté le 18 septembre. Qu’en attends-tu ?

Il ne faut pas que la question de la santé publique repose uniquement sur les épaules de l’hôpital public. Il est impératif de responsabiliser la médecine de ville de façon à développer la permanence des soins dans les territoires. Avec la Fédération Santé-Sociaux, nous demandons également une hausse des moyens humains à l’hôpital public ; la tension est telle que même un plan intelligent sans moyens humains et sans reconnaissance des agents ne pourra pas réussir. Parallèlement, il faut plus de place au dialogue avec les agents au sein des hôpitaux sur l’organisation du travail pour lutter contre la souffrance au travail des personnels.

 

L’un des grands dossiers de ces prochains mois sera la réforme des retraites. Comment la CFDT l’aborde-t-elle ?

L’ambition de la CFDT dans la concertation qui s’ouvre est de peser pour une réforme qualitative qui permette de faire société et de créer du progrès social. Il est primordial de redonner de la confiance dans le système. Or, aujourd’hui, 30 % des moins de 35 ans considèrent que ce système aura disparu dans vingt ans et 67 % qu’il sera moins avantageux. C’est ce que nous montrent les premiers résultats de l’enquête Parlons retraites.

Il faut donc aller vers un système de retraite qui soit à la fois collectif, lisible, juste et efficace. Pour y parvenir, nous devons réfléchir collectivement aux principes avant de nous pencher sur la tuyauterie. Cela demande du temps, et les coups de boutoir du gouvernement comme l’annonce de la désindexation des retraites et leur moindre revalorisation sont dramatiques pour la concertation et injustes envers les retraités. La Confédération participera, bien entendu, à la mobilisation des retraités sur ce sujet le 4 octobre.

 

La fin de l’année sera également marquée par les élections du 6 décembre dans la fonction publique. Quel est l’enjeu pour la CFDT ?

L’enjeu est double. Tout d’abord, il y a beaucoup d’endroits dans les fonctions publiques où cela va mal : les coups de rabot successifs sur les effectifs rendent la situation intenable dans certains secteurs en ne permettant plus aux agents de remplir correctement leurs missions de service public, ce qui entraîne un mal-être au travail pouvant aller jusqu’à des situations d’urgence ; il n’y a pas ou plus d’espace pour le dialogue social qui permettrait de faire émerger des solutions négociées. Il nous faut donc démontrer qu’il existe une force syndicale réformiste qui prône le dialogue social, dans le respect du statut, et qui obtient des avancées concrètes en faveur des agents. Si nous réussissons ce pari, les employeurs publics seront contraints de s’engager dans un véritable dialogue social.

IL NOUS FAUT DÉMONTRER QU’IL EXISTE UNE FORCE SYNDICALE RÉFORMISTE QUI PRÔNE LE DIALOGUE SOCIAL ET OBTIENT DES AVANCÉES CONCRÈTES EN FAVEUR DES AGENTS

Le second enjeu est que la CFDT devienne le 6 décembre la première organisation syndicale tous secteurs confondus. Au-delà de l’évènement historique que cela représenterait, cela montrerait au gouvernement qu’il ne peut plus faire sans nous… au risque d’aller dans le mur. Mais une telle avancée ne sera possible qu’en allant chercher les voix grâce à une campagne de terrain au plus près des agents et par la mobilisation de toute la CFDT, dans le public comme dans le privé, jusqu’au 6 décembre. Jusqu’à cette date, il faut que chaque adhérent CFDT se mobilise et encourage les agents qu’il connaît à voter CFDT. Je vais être à fond investi dans cette campagne, et cela doit être le cas de tous.

 

La situation des réfugiés qui tentent, au péril de leur vie, de rejoindre l’Europe est toujours au cœur de l’actualité...

L’Europe traverse une crise morale dramatique dans laquelle l’irrationnel a pris le pas sur le rationnel. Il est urgent que les politiques cessent d’agiter les peurs. Les personnes qui fuient la guerre et l’oppression ne mettent pas l’Europe en péril ! On est face à un devoir de solidarité et de réponse à la détresse de ceux arrivent aux portes de l’Europe.

La CFDT n’a pas pour autant une approche naïve et béate de la question migratoire. Force est de constater que les règles européennes en la matière sont obsolètes. Il est urgent de revoir le règlement de Dublin et de mettre en place une agence européenne du droit d’asile.

 

Et pendant ce temps-là, le populisme fait son nid en Europe.

Partout en Europe, de la Suède à l’Italie en passant par la Hongrie, l’Allemagne et bien entendu la France, le populisme prospère sur un mal-être social, qu’il ne faut pas sous-estimer, et sur l’absence de sens donnée par les dirigeants politiques.

C’est pour cela qu’il est indispensable de ne rien laisser passer des discours populistes et de continuer à dénoncer les idées faciles et démagogiques. Cela demande de la pédagogie et encore plus, de la conviction. Il faut redonner de l’espoir pour que les citoyens aient envie de construire à nouveau une société apaisée fondée sur le vivre-ensemble et le progrès social. Si les gouvernements européens n’entendent pas cela, on va vers une énorme déconvenue lors des prochaines élections européennes

 

Dans ton livre Réinventer le progrès tu mettais en avant la nécessité de préparer et de s’approprier la transition écologique. Le sujet est toujours d’actualité́, pourtant les décisions politiques se font dramatiquement attendre...

L’été a été marqué par les conséquences dramatiques du changement climatique que plus personne, à part peut-être Donal Trump, ne peut contester. Et dans le même temps, la passivité des politiques est effrayante. L’abandon par la France de la filière hydrolienne, alors que potentiellement cela représente une opportunité énergétique importante et « propre », confirme cette passivité́ redoutable… De ce point vu, la démission de Nicolas Hulot est un signal d’alarme très fort.

LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE EST, OU PLUTÔT DOIT ÊTRE, LE LEVIER D’UNE TRANSFORMATION SOCIALE QUI MISE SUR LA QUALITÉ DU TRAVAIL

Or la transition écologique est, ou plutôt doit être, le levier d’une transformation sociale qui mise sur la qualité du travail. Il faut en faire un facteur d’espoir en démontrant collectivement qu’il est possible d’enrayer la machine infernale du dérèglement climatique, tout en créant de meilleures conditions pour les travailleurs et les citoyens. C’est aussi un enjeu économique énorme. C’est dans ce sens que la CFDT fait des propositions, comme le contrat de transition écologique sur le bassin de Fos-sur-Mer que nous avons mis en place sur d’autres bassins d’emploi. La CFDT continuera de s’investir dans la transition écologique, comme elle le fait depuis longtemps. Plus que jamais il s’agit d’un enjeu syndical qui concerne tous les travailleurs.

Propos recueillis par nabllot@cfdt.fr 

photos © Anne Bruel / Info-Comm CFDT