La transition écologique, c’est aussi une affaire syndicale
Après la COP 27 et que l’ONU réitère ses alertes sur le “chaos climatique”, la CFDT confirme son engagement en faveur de la transition et réaffirme le rôle qu’elle veut jouer aux niveaux de l’entreprise, du territoire et de la filière. Reste que, sur le terrain, les équipes éprouvent des difficultés à se faire entendre.
« Notre secteur est le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre et le premier consommateur d’électricité. Or, d’ici 2050, nous devrons atteindre la neutralité carbone. On comprend le défi qui est lancé à nos entreprises et l’accélération que cela nécessite », lance Olivier Donnay, de la CFDT-Construction et Bois en clôture du CNF (Conseil national fédéral) des 9 et 10 novembre consacré à la transition écologique et énergétique. Le sujet est on ne peut plus dans l’actualité puisque, au même moment, Emmanuel Macron annonçait son plan en faveur de la décarbonation des industries les plus émettrices.
Ici, l’équilibre se révèle d’autant plus délicat à tenir que le secteur du BTP doit à la fois réduire son volume d’émissions tout en continuant à construire des bâtiments neufs et en ayant des objectifs de rénovation de logements extrêmement ambitieux. « Il y a 28 millions de logements à rénover d’ici 2050, selon l’Ademe. Nous en sommes à un rythme de 40 000 rénovations aux normes BBC [bâtiment basse consommation] par an alors qu’il faudrait atteindre le million par an ! », indique Olivier. Ces mutations vont avoir des impacts colossaux sur l’emploi et les compétences, sachant que les dernières estimations font état de 190 000 emplois détruits dans la construction neuve (– 44 %) du fait de la transition d’ici à 2050. « Il faut donc impérativement anticiper. C’est ce que nous portons lors des réunions en vue d’établir la feuille de route de décarbonation de notre secteur, qui doit servir d’étape préparatoire à la rédaction de la future Stratégie française pour l’énergie et le climat prévue pour 2023 », précise Olivier Donnay.
Porter une voix intermédiaire et pragmatique
À l’instar de la Fédération nationale Construction et Bois, l’ensemble de la CFDT semble prendre la mesure des défis à venir, avec la volonté de jouer un rôle actif. « Notre rôle nous place en première ligne dans les entreprises, les administrations, les branches, les filières et les territoires », souligne Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. Concernant les territoires, les travaux prospectifs sur l’avenir de la filière automobile (lancés par la CFDT-Métallurgie avec la Fondation pour la Nature et l’Homme) sont désormais déclinés les régions Hauts-de-France et Grand Est… Dans de nombreux secteurs également, des travaux ont été engagés – comme dans l’agriculture, où la CFDT-Agri-Agro impulse « un changement de modèle de production, pour une agriculture qui s’inspire davantage de l’agroécologie, résume la secrétaire nationale Annabel Foury. Nous voulons porter une voix intermédiaire et pragmatique, entre les fédérations patronales, rétives au changement, et les organisations environnementalistes, en portant des mesures responsables qui allient préoccupations environnementales, sociales et économiques ».
Partout, la volonté des structures d’avancer sur les questions de transition écologique juste est indéniable. Mais, sur le terrain, les équipes témoignent souvent de la difficulté d’y être associées. « On ne pense pas à nous comme un acteur pouvant participer à l’analyse économique des mutations sur un territoire », note Nicolas Ouary, de l’Union régionale interprofessionnelle des Pays de la Loire, qui a dû revendiquer une place pour la CFDT lors de la mise en place du contrat d’études prospectives relatif au secteur du bâtiment dans le cadre du Pacte de Cordemais1. Grâce à l’intervention de Nicolas, la CFDT va désormais pouvoir faire entendre sa voix et ses propositions.
Laborieuse dynamique de dialogue social
Dans les entreprises également, les échos sont similaires, et l’élaboration des récents plans de sobriété a été une preuve supplémentaire de la difficulté des directions à associer les organisations syndicales et les représentants du personnel. « Les directions ont tendance à ficeler leurs projets “en chambre” puis les présenter aux représentants des salariés », indique Aurore Duffau, consultante du cabinet Syndex et spécialiste des sujets environnement et RSE. Reconnaissons aussi que les nouvelles attributions données aux CSE en matière d’environnement (inscrites dans la loi Climat et résilience d’août 2021) sont encore insuffisamment connues et maîtrisées par les équipes malgré les efforts de formation (webinaires, séminaires d’appropriation…).
Le rapport Négociation collective et environnement (éditeur : LexisNexis), sous la direction d’Alexis Bugada, de l’Université d’Aix-Marseille, pointe une laborieuse dynamique de dialogue social sur les questions de transition écologique, encore très portée sur les mobilités douces ou la promotion de comportements écoresponsables, et non sur la stratégie d’investissement de l’entreprise, chasse gardée des directions. « Sur ce sujet, nous ne sommes pas forcément attendus autour de la table. Mais c’est à nous de construire le rapport de force », déclare Aurélie Seigne, responsable du service confédéral Économie et société, selon qui « il est indispensable d’en faire un sujet clé de notre action syndicale, notamment dans le cadre du renouvellement des CSE ». Le prochain cycle électoral offre l’opportunité aux équipes de négocier des commissions environnementales ou d’inclure la thématique du climat et de la transition dans les sujets sur lesquels challenger les directions.
Emmanuelle Pirat