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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Jean Auroux : « La gauche aura du mal à satisfaire toutes les attentes »

22 Août 2012, 09:35am

Publié par CFDT CA Languedoc

Jean AUROUX

Anniversaire. Il y a trente ans, Jean Auroux faisait voter les lois qui portent son nom. Promoteur de la citoyenneté dans l’entreprise, le maire de Roanne devenu ministre de François Mitterrand a marqué le monde du travail. En retrait de la vie politique depuis 2008, il livre son point de vue sur son travail et celui qui attend le gouvernement actuel.

 

Trente ans après, quel regard portez-vous sur vos lois ?

J’ai une certaine fierté dans la mesure où j’ai eu la chance d’être un réformateur dont les textes sont toujours d’actualité. On ne reviendra pas sur les compétences des Comités d’Entreprises et des CHSCT ( Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, ndlr), on va plutôt les renforcer. Pour un homme politique, avoir mis en place des règles du jeu social et économique qui sont toujours largement en vigueur, c’est une satisfaction.

Quelles différences y a-t-il entre la situation de l’époque et aujourd’hui ?

Ce qui est très différent, c’est la crise exceptionnelle qui rend les marges de manœuvre extrêmement réduites. En 1981, j’ai augmenté le SMIC de 10 %, il y a eu des nationalisations, aujourd’hui, on n’a plus d’argent. La situation de crise dans laquelle se trouve le gouvernement est vraiment nouvelle, très profonde et probablement durable. La gauche, qui est associée au progrès, aura du mal à satisfaire tout ce qu’on attend d’elle.

Vous n’espérez donc pas de grandes mesures de la part du gouvernement ?

J’espère une chose, c’est qu’on avance sur la question des conditions de travail. On ne peut pas continuer à avoir des entreprises dans lesquelles le suicide devient une banalité. Je me méfie aussi comme de la peste des nanotechnologies. On ne sait pas trop comment elles vont se diffuser dans le monde biologique et neurologique. Aujourd’hui, je pense qu’il faudrait d’ailleurs renforcer les compétences des CHSCT, notamment en amont des nouvelles technologiques, des nouvelles organisations du travail. C’est déjà en partie dans la loi, mais il faut aller plus loin. Quand on voit arriver une nouvelle technologie, il faut que l’on regarde comment former les gens, comment les préparer. A part ça, l’autre domaine sur lequel il faut travailler, c’est le partage du pouvoir économique. J’ai fait entrer des délégués des entreprises dans les conseils d’administration pour qu’ils soient consultés. Il faudrait maintenant qu’ils aient le droit de voter.

Faites-vous confiance au gouvernement pour mettre en place ce genre de propositions ?

Je crois qu’il faut être réaliste. Il y a une volonté réelle dans ce gouvernement pour avancer mais il faudra un peu de temps. Ils vont dans le bon sens mais on ne va pas pouvoir refaire des lois Auroux tous les trente ans. Cela dit, on peut améliorer certaines choses.

Les contrats de génération, vous les aviez proposés il y a trente ans ?

Oui, ça s’appelait les contrats de solidarité. Un ancien pouvait partir en retraite à condition qu’on embauche un jeune. Ici c’est un peu différent parce que les deux restent dans l’entreprise mais c’est la même philosophie. C’est important parce qu’il faut qu’on fasse découvrir le monde du travail à des jeunes sous une forme différente. Ça coûte un peu d’argent, mais les gens qui sont au chômage, ça coûte de l’argent aussi.

La protection des syndicalistes, c’est vous. Certains sont toujours menacés, qu’en dites-vous ?

C’est difficile de protéger à 100 %, mais la meilleure protection ce serait le nombre d’adhérents. J’ai créé des institutions représentatives et j’ai amélioré les conditions des délégués. Je pensais que les gens viendraient s’investir malheureusement, aujourd’hui on est à 8 % d’adhérents, c’est très faible par rapport à d’autres pays. Cela dit, la loi ne peut pas obliger les gens à adhérer à quelque chose.

Que pensez-vous de la démarche actuelle du gouvernement sur les questions sociales ?

La démarche est bonne. Avec cette grande conférence sociale, on écoute et on voit, c’est bien. Ensuite, ce qui sera proposé, je n’en sais rien. Je sais que ça ira dans le bon sens. Cela dit, je pense que le gouvernement mettra plus de temps que moi. J’ai eu la chance de faire ça en 18 mois. Pour François Hollande, il faudra sûrement le temps du quinquennat.

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