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CFDT Crédit Agricole Languedoc

La possibilité d’une elle

25 Octobre 2018, 00:01am

Publié par CFDT CA Languedoc

Engagée dans la lutte contre les discriminations sous toutes ses formes, la CFDT a accompagné Samantha, une salariée transgenre, dans son coming out et sa transition, au sein de son entreprise. Avec succès.

La possibilité d’une elle

« Je me suis toujours sentie fille, dans un corps d’homme. À la fin, vivre et venir travailler en homme m’était devenu insupportable. » Pierre est né homme mais, à l’approche de la cinquantaine, il décide de devenir elle. Aujourd’hui, Samantha*, inspectrice comptable chez Generali, est épanouie dans sa vie et son travail.

Cela dit, de la décision de changer d’identité à sa concrétisation, le chemin a été douloureux et complexe. En 2016, à la suite d’un divorce, Pierre décide d’assumer sa préférence pour la « femme transgenre » qui est en lui. D’abord dans sa vie privée : « La première fois que je suis sortie de chez moi habillée en femme, ça a été terrible et en même temps une immense victoire. » Puis dans sa vie professionnelle : « Je ne savais pas du tout comment m’y prendre. Je voulais à tout prix éviter d’être rejetée ou d’être mise au placard. » Démunie, pleine d’appréhension et ne sachant vers qui se tourner, elle pense appeler un avocat, avant de renoncer, « par peur ».

C’est alors que sa route croise celle de la CFDT lors de la Marche des fiertés, à Lyon, en juin 2017. Sonia Paccaud, responsable juridique de l’Union régionale interprofessionnelle d’Auvergne-Rhône-Alpes, très impliquée sur la question des discriminations LGBT, se souvient : « Nous avions un stand dans le village associatif en marge de la Marche. C’est là que nous avons fait la connaissance de Samantha. […] Il était clair qu’on ne pouvait pas agir seulement au niveau de l’Union régionale. Il fallait organiser un soutien et un accompagnement dans l’entreprise. »

« J’avais décidé d’arriver en robe »

Samantha s’adresse alors à la Déléguée syndicale (DS) de Generali, qui est également Secrétaire générale du Syndicat CFDT des Assurances Bourgogne, Rhône-Alpes, Auvergne (Synabra). Cette dernière contacte un vieux routier du juridique, Christian Claudel, retraité de la métallurgie et Conseiller Prud’homme.

En accord avec Samantha, ils élaborent une feuille de route afin qu’elle puisse faire son coming out dans l’entreprise en prenant toutes les précautions pour s’assurer que cette annonce soit accueillie de manière positive, et éviter les incompréhensions et le rejet. « C’est vraiment notre rôle, en tant que syndicaliste, d’être dans la prévention », souligne Sonia.

L’équipe CFDT dissuade ainsi Samantha de faire son coming out selon le scénario qu’elle avait envisagé. « À cette époque, j’avais tellement hâte de dire que j’étais une femme que j’avais décidé d’arriver en robe, lors de notre réunion annuelle des inspecteurs. » Selon Catherine Kozinska, la DS de Generali, « il fallait faire un travail en amont avec la direction des ressources humaines, puis la hiérarchie, afin de préparer les collaborateurs, faire de la pédagogie ». Lors du séminaire annuel, un temps réservé à Samantha lui a permis d’expliquer sa transition à ses collègues. « Le coming out est toujours un moment très délicat. S’il est mal géré, la situation peut devenir destructrice pour la personne, conduire à la dépression, voire au suicide », confirme Claire Lamberti, vice-présidente de l’association Le Jardin des T’ et de Mobilisnoo, le réseau des salariés LGBT du groupe Orange.

LA DISCRIMINATION RELATIVE À L’IDENTITÉ DE GENRE EST PUNIE PAR LA LOI

RAPPELLE LA CFDT.

 Elle-même se souvient des remarques désobligeantes à son égard : « Je ne savais pas que c’était carnaval ! Super ton déguisement. – Ce n’est pas un déguisement, c’est moi. » Elle souligne combien l’accompagnement doit être mené au cas par cas. « L’important est de rester très à l’écoute. Chaque personne transgenre suit son propre rythme et son mode de transition. Certains préfèrent disparaître une année, changer de région et d’entreprise, couper tout lien avec la personne d’avant. D’autres préfèrent l’assumer en restant dans leur entreprise. » Dans ce cas, l’employeur a une véritable responsabilité.

« La discrimination relative à l’identité de genre est punie par la loi », rappelle Christian Claudel, le métallo retraité expert en juridique. Pour les militants CFDT, la réussite de Samantha dans sa transition est un pas de plus vers la reconnaissance du rôle du syndicat en matière d’accompagnement. « Ce n’est pas un réflexe pour les salariés de se tourner vers une organisation syndicale concernant les questions LGBT », reconnaît Sonia. Une réalité qui évolue doucement… mais sûrement.

* Samantha a souhaité conserver l’anonymat.

epirat@cfdt.fr

©Illustration Pierre Mornet